Il faut protéger les lanceurs d’alerte (2)
François Hollande, en déplacement à Boulogne-Billancourt lundi 4 avril, réagit pour la première fois aux révélations « Panama Papers » et émet ce commentaire, qu’iTélé relaie dans un tweet : « Il faut protéger les lanceurs d’alerte, ils font un travail utile et prennent des risques. » (1)
J'espère qu'il aura aussi signé la pétition de soutien à Antoine Deltour.
Antoine Deltour, le discret artisan des LuxLeaks
Les révélations de « Cash Investigation », en 2012, puis la publication de ces « rescrits fiscaux » par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) à l’automne 2014, ont déclenché un vaste scandale qui a touché jusqu’à Jean-Claude Juncker. L’ancien premier ministre luxembourgeois et actuel président de la Commission européenne a dû se justifier – avec le plus grand mal. Dans la foulée, une directive imposant aux pays européens de s’échanger ces accords secrets a été adoptée à l’automne 2015. Cette transparence est une conséquence directe du LuxLeaks.
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Qui devrait être assis sur le banc des accusés ? D’un côté de la barre, PricewaterhouseCoopers, un cabinet de conseil luxembourgeois dont la spécialité est de permettre d’éviter à ses clients de payer des milliards d’euros d’impôts. De l’autre, deux anciens salariés de ce cabinet et un journaliste, déterminés à dénoncer ces pratiques à la limite de la légalité et moralement condamnables. Et pourtant ce sont bien ces trois hommes qui risquent entre cinq et dix ans de prison lors du procès qui se déroule jusqu’au 4 mai au tribunal correctionnel du Grand-duché.
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« Pouvez-vous dormir la nuit ? » : l’éthique selon PricewaterhouseCooper
Le procès d'Antoine Deltour et de Raphaël Halet, deux anciens salariés du cabinet PricewaterhouseCoopers (PwC), s'est ouvert cette semaine au Luxembourg.
- Le premier est accusé d'avoir volé en 2010 des centaines d’accords fiscaux secrets entre le fisc luxembourgeois et de grandes multinationales, et de les avoir transmis à Edouard Perrin. Ce journaliste français, également inculpé pour "complicité de violation du secret professionnel", diffusera ces informations sensibles à partir de 2012 dans l'émission "Cash Investigation".
- Le deuxième est accusé d'avoir scanné seize déclarations fiscales d’entreprises clientes de PwC en 2014, et de les avoir fournies au même Edouard Perrin. Les documents seront dévoilés au grand public par l'opération LuxLeaks, pilotée par le Consortium international des journalistes (ICIJ).
Les deux hommes comparaissent pour "vol, violation du secret professionnel et du secret des affaires, accès ou maintien frauduleux dans un système informatique, blanchiment et divulgation de secrets d’affaires". Ils risquent jusqu'à dix ans de prison.
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Et pendant ce temps, le Parlement européen vote pour protéger le « secret des affaires » et le droit à l’opacité
Les députés européens ont adopté le 14 avril à une très large majorité la directive sur le « secret des affaires », un texte qui risque de rendre la vie beaucoup plus difficile aux lanceurs d’alerte, salariés, journalistes et plus généralement à tous ceux qui s’efforcent d’informer de manière indépendante sur les activités des entreprises. La mobilisation de la société civile, des pétitions signées par plusieurs centaines de milliers d’Européens et le scandale des Panama Papers, survenu dix jours seulement auparavant, n’auront pas suffi à dissuader les parlementaires européens d’adopter cette directive, en séance plénière à Strasbourg.
Sous couvert de lutter contre l’espionnage industriel, elle consacre un principe très général et flou de « protection des informations relatives à la vie des entreprises contre toute forme de divulgation publique » [...]. En les protégeant ainsi encore un peu plus des regards de la société. « Avec cette directive, le parlement européen a l’inconscience de créer un nouveau droit à l’opacité pour les multinationales et fragilise encore les contre-pouvoirs », s’indigne la coalition européenne d’ONG, de syndicalistes et de journalistes qui a mené la bataille contre ce projet.
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(1) Il n’en fallait pas plus pour faire réagir Edward Snowden, l’un des plus célèbres lanceurs d’alerte depuis ses révélations sur les pratiques de surveillance de masse de la National Security Agency (NSA) en 2013. L’ancien consultant de l’agence américaine a aussitôt répondu dans un tweet railleur, constitué d’un seul mot en français : « Vraiment ? »
Edward Snowden, Antoine Deltour… Que deviennent les lanceurs d’alerte ?
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Dans les faits, la France n’a pas refusé l’asile au lanceur d’alerte. Elle a juste refusé d’y répondre. Edward Snowden, Hervé Falciani, Stéphanie Gibaud… Ces dernières années, les lanceurs d’alerte ont occupé l’espace médiatique, sur des sujets comme le secret bancaire, les échanges diplomatiques secrets ou bien les scandales de santé publique. Sans que la France ne se mobilise beaucoup pour eux. Mardi 26 avril, c’est Antoine Deltour, le Français à l’origine des LuxLeaks, qui est jugé pour « vol, violation du secret professionnel et du secret des affaires, accès ou maintien dans un système frauduleux informatique, blanchiment et divulgation de secrets d’affaires ».
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